Élégance des suspensives

Vous la reconnaissez? Sur l’affiche de la saison 18-19, symbolisant l’intrépidité joyeuse des femmes qui embrassent la vie d’artiste, c’était elle: Chloé Moglia, accompagnée de ses comparses, qu’elle nomme «les suspensives». Derrière cette dénomination, entendez: suspendues, suspense et pensives. Suspendues, elles le sont bel et bien. Accrochées à une structure à la fois légère et monumentale, la spire, qui sculpte l’espace en trois boucles immenses. L’élégance de leur geste a sans doute beaucoup à voir avec la lenteur d’exécution. Comme si, là-haut, les corps s’étaient défaits des lois de la pesanteur. Chaque mouvement est maîtrisé, retenu, toujours aux limites de l’équilibre. Et c’est là qu’intervient le suspense: comment ces acrobates font-elles pour ne pas chuter, jamais – on touche du bois! –, alors qu’elles virevoltent à huit mètres de hauteur, sans filin ni filet de sécurité?

Pensive ou pensif, on le devient en voyant les suspensives évoluer, se rejoindre, se superposer, puis se disjoindre, tout au long de ces grandes boucles métalliques. Ces quatre femmes, où vont-elles puiser leur force alors que rien ne semblait les distinguer lorsqu’elles marchaient parmi nous, sur la terre ferme? Leur courage s’apprend-il, et dans quelle école? Et la confiance en l’autre, en celle qui vous tient, qui vous retient de tomber, votre partenaire, comment s’est-elle construite? Avec La Spire, Chloé Moglia nous offre plus qu’un spectacle époustouflant, une méditation sur les ressorts d’une puissance qui n’est jamais exhibée, mais profondément ressentie par celles et ceux qui lèvent les yeux.